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Le Mémorial de la Marseillaise : histoire d’un hymne, histoire d’une révolution.

  • Thématique Lieux d'intérêt
  • Mis à jour le 25/05/2018
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Echelle  
latitude
43.2977
longitude
5.37846
altitude
7 m
adresse
23 r thubaneau
13001 Marseille
accessibilite
Mots clés
marseille

description

Le 22 juin 1792, au 11 rue Thubaneau à Marseille, la Société des Amis de la Constitution de Marseille donne chez le traiteur Honoré David un banquet en l’honneur du jeune François Mireur. Celui-ci entonne au cours du repas, et pour la première fois dans cette ville, le Chant de guerre pour l’Armée du Rhin. A tout juste 22 ans, diplômé de la faculté de Médecine de Montpellier et capitaine de la Garde nationale de Montpellier, il est en effet venu à Marseille afin de regrouper les bataillons de volontaires, les fédérés, de Marseille et de Montpellier.

L’Autriche a déclaré la guerre à la France le 20 avril et l’émigration a massivement dépeuplé les rangs de l’armée d’ancien régime à la veille de ce conflit qui semble inégal face aux grandes puissances européennes. Le gouvernement a par conséquent demandé aux grandes communes de province de participer à l’effort de guerre à travers la conscription. Il s’agit là d’un des tournants de la Révolution française car de la mobilisation de ces volontaires dépend en grande partie la préservation des acquis de 1789. Le Chant de guerre pour l’Armée du Rhin, publié dès le 23 juin 1792 dans le Journal des Départements Méridionaux par le journaliste et membre de la Société des Amis de la Constitution Alexandre Ricord, a pris très rapidement la dimension d’un chant de ralliement des troupes marseillaises mobilisées pour la défense de ces valeurs et acquis révolutionnaires.

Le Mémorial de la Marseillaise, centre d'interprétation

C’est cette petite histoire qui s’inscrit dans la grande histoire de la Révolution, que le Mémorial de la Marseillaise retrace au 25 de la rue Thubaneau, à l’endroit même où siégeait la section locale de la Société des Amis de la Constitution. Le Mémorial de la Marseillaise est un centre d’interprétation qui a été créé autour de cette histoire, à partir des recherches historiques sur Marseille, sur la Révolution française et sur l’histoire de La Marseillaise.

Des dispositifs scénographiques utilisant les technologies les plus avancées en matière de vidéoprojection permettent de restituer non seulement un discours historique riche et documenté mais également l’atmosphère d’une époque qui est sans doute l’une des plus grandes et des plus violentes ruptures de l’histoire de France. Afin de comprendre comment un chant révolutionnaire commandé par le Maire de Strasbourg au capitaine Rouget de Lisle est devenu l’hymne national, et surtout pourquoi c’est le seul hymne national au monde à porter un nom qui fait référence aux habitants d’une ville, il importe de se pencher d’une part sur le contexte marseillais, d’autre part de retracer l’histoire de la Révolution française.

Le Mémorial de la Marseillaise : de la Révolution française à "La Marseillaise".

Le Mémorial retrace quelques-uns des événements majeurs de la Révolution française que nous ne détaillerons pas ici mais qui permettent de comprendre le contexte de la naissance de La Marseillaise.

En 1788, Louis XVI a convoqué les états généraux, composés d’environ 1000 députés des trois ordres, soit le clergé, la noblesse et le tiers état, pour évoquer l’état des finances du royaume. Les états généraux s’ouvrent à Versailles le 5 mai 1789 mais d’emblée, les discussions financières prennent un tour politique, avec la question notamment de la représentation du tiers état et du vote par tête et non par ordre. Le 17 juin, des députés du clergé et de la noblesse rejoignent ceux du tiers état, abolissant de facto les états juridiques, et se déclarent, à l’instigation de Sieyès, « Assemblée nationale ». Le 20, les députés, réunis dans la salle du jeu de paume de Versailles, prêtent serment de ne pas se séparer avant d’avoir donné à la France une constitution. Le 26 juin, la décision du Roi de faire venir les troupes pour couper court à cet élan provoque l’embrasement : après le renvoi du ministre Necker (11 juillet) et alors que le prix du pain atteint des sommets, le peuple parisien s’invite alors dans les événements. Le 14 juillet, celui-ci prend la Bastille, symbole du despotisme, à la recherche d’armes.

En province, des forteresses équivalentes sur le plan symbolique et stratégique seront prises par les révolutionnaires dans les mois qui suivent, tels que les fameux forts Saint-Jean et Saint-Nicolas à Marseille.

La nuit du 4 août, l’Assemblée nationale constituante abolit les privilèges puis vote le 26 la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Un régime de monarchie constitutionnelle se dessine alors au fil des lois et des réformes. Les partisans de la monarchie absolue, proches du Roi et de la Cour, officiers de l’Armée royale, commencent à quitter le pays pour trouver refuge en Autriche, en Prusse ou en Angleterre.

Les 20 et 21 juin 1791, c’est la famille royale elle-même qui tente de fuir avant d’être rattrapé à Varennes, marquant la première phase de discrédit du pouvoir monarchique.

Entre 1789 et 1792, la France est agitée de nombreux désordres intérieurs (Grande Peur de 1789, mouvements contre-révolutionnaires) et menacée de l’extérieur (Britanniques, Hollandais, Autrichiens, Prussiens, Sardes, Espagnols).

Le 20 avril 1792, la France déclare la guerre à l’Autriche – le Roi Louis XVI et la Reine Marie-Antoinette d’Autriche espérant secrètement la victoire de cette grande puissance.

Depuis 1791, l’Assemblée a levé des troupes pour défendre le territoire. Celles qui sont stationnées dans l’Est de la France sont en première ligne.

Dans la nuit du 25 au 26 avril, le capitaine du génie Claude Joseph Rouget de Lisle, un jurassien, écrit à la demande du Maire de Strasbourg, Philippe-Frédéric de Dietrich, Le Chant de guerre pour l’Armée du Rhin.

"La Marseillaise" : de Strasbourg à Marseille, et de Marseille à Paris

Le chant de ralliement composé par Rouget de Lisle se diffuse progressivement, sans doute par le biais des colporteurs, et avec l’appui des sociétés révolutionnaires. La Société des Amis de la Constitution de Marseille publie donc ce chant dès le 23 juin 1792 dans son journal, au moment même où le ministère girondin demande à Marseille l’envoi de « 600 hommes sachant mourir ».

Le 2 juillet, 517 volontaires partent pour la capitale pour défendre la patrie, proclamée « en danger » le 11 juillet. C’est que l’ennemi n’est pas seulement aux frontières, les révolutionnaires en sont de plus en plus convaincus. La famille royale, installée au Palais des Tuileries à Paris depuis les fameuses journées d’octobre 1789, est de plus en plus durement soupçonnée, à juste titre, de trahison. Les 517 fédérés Marseillais, avec à leur tête le Commandant Moisson, marchent donc, de nuit, vers Paris, entonnant haut et fort le chant de ralliement qui a pris au fil de leur périple le nom de Chant des Marseillois ou Hymne des Marseillois. Pour le peuple parisien, c’est La Marseillaise. Le 10 août, la prise des Tuileries, à laquelle participent en première ligne les bataillons marseillais mais également bretons, marque la chute de la monarchie. Le 20 septembre, les troupes de Dumouriez victorieuses à Valmy, reprennent déjà La Marseillaise. Le 21, la République est proclamée.

Dès 1792, La Marseillaise est parodiée, reprise, transformée et, malgré les tumultes et désordres qui affectent le pays pendant les 3 années qui suivent (en 1793-94, Marseille sera notamment attaquée et débaptisée par la Convention suite aux émeutes fédéralistes), elle est élevée au rang d’hymne national le 14 juillet 1795.

A travers son histoire même, écrite par un jurassien à Strasbourg, rendue célèbre par les Marseillais à Paris et à travers toute la France, La Marseillaise incarne l’idée d’unité nationale. Par les valeurs même qu’elle exalte dans son texte, fût-ce dans un contexte guerrier, patriotisme et haine du despotisme, elle fait figure de chant révolutionnaire de référence. Cela lui a valu d’être interdite sous l’Empire et la Restauration. Elle est remise à l’honneur en 1830 et 1848 pour être enfin érigée de nouveau au rang d’hymne national officiel en 1879.

La Marseillaise, par la nature même de son association avec la Révolution française, a également été historiquement un chant à la portée universelle. En Italie, dès 1797, elle est traduite à Venise pour célébrer la chute des Doges.

Les mouvements révolutionnaires du dix-neuvième siècle en Europe et en Amérique latine s’en emparent. La Marseillaise des Travailleurs est publiée en russe en 1875. Durant la guerre civile espagnole de 1936, des versions républicaines et anarchistes en langue espagnole voient le jour. Parallèlement à cette dimension politique, La Marseillaise connaît une destinée musicale foisonnante. Si Berlioz en compose la plus fameuse partition, celle qui fait référence de nos jours, en 1830, Rossini, Schumann, Tchaïkovski, Wagner, Debussy, Satie… la citent dans leurs œuvres. Django Reinhardt en fait Echoes of France, les Beatles l’introduction de All you need is love et Serge Gainsbourg crée la controverse avec sa version reggae. En peinture et en sculpture, La Marseillaise a inspiré tout au long du dix-neuvième siècle les artistes, dont la plus célèbre représentation est celle de Rouget de Lisle par Isidore Pils, qui se trouve au Musée historique de Strasbourg.
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